Les tropes en littérature : qu'est-ce que c'est ?
De tout temps, il a existé des schémas de narration artistique qui se reconnaissent dans la fiction. Peu importe le média utilisé, qu’il s’agisse de cinéma, de littérature, de théâtre, de bande dessinée ou encore de jeu vidéo, certains éléments reviennent et se ressemblent. On les appelle les tropes. Nous allons nous pencher sur le trope en littérature. Ce mot désigne sous une même bannière tous les archétypes de narration que l’on peut retrouver aujourd’hui dans un roman moderne et que l’on peut repérer avec des yeux entraînés. Toutefois, il ne faut pas les confondre avec les clichés. Qu’est-ce donc qu’un trope ? Et surtout, à quoi peuvent-ils servir lors de l’écriture d’un roman ?
Le trope en littérature : définition
On entend de plus en plus parler des tropes. Si c’est un concept que l’on retrouve surtout en littérature, les tropes existent dans tous les médias d’art de manière plus ou moins explicite. « Trope » par-ci… « Trope » par-là… Mais qu’est-ce que c’est à la fin que ce mot ?
Le trope, c’est un archétype narratif. Autrement dit, un schéma général que l’on retrouve dans un grand nombre d’histoires et que l’on retrouve à différentes échelles. Le trope peut concerner un personnage, une scène, des relations ou encore des thèmes profonds qui régissent l’histoire. Les tropes sont également un moyen de résumer en surface une histoire en la désignant par la somme de ses archétypes narratifs. Il existe une immense quantité de tropes de tous types, plus ou moins simples et qui peuvent désigner beaucoup d’éléments de fiction. Cela peut aller des personnages (par exemple l’acolyte rigolo, l’élu ou encore le génie du mal), jusqu’aux scènes entières (la scène de bagarre dans une taverne, la scène du procès d’un personnage ou la scène du feu de camp), en passant par les relations (le fameux enemies to lovers, le mentor et l’élève, les deux rivaux ou bien la relation fraternelle).
Les tropes possèdent leurs avantages et inconvénients. Bien utilisés, ils peuvent être des armes redoutables pour structurer correctement son histoire et proposer une expérience de lecture originale sans perdre le lecteur qui se retrouvera dans les archétypes qu’il apprécie voir. Mais mal utilisés, ils peuvent véhiculer des clichés redondants et aliénants qui desserviront complètement le propos de l’auteur. L’utilisation de schémas trop utilisés qui peuvent ennuyer le lecteur sont aussi un risque à courir.
Les tropes sont donc la base de toute histoire. C’est vrai pour toute forme d’art et plus encore pour la littérature. Comment expliquer donc leur popularité récente ?
Pourquoi sont-ils si populaires ?
Le concept de « trope » vient du grec ancien τρόπο / trópos qui veut dire « façon », « méthode », ou encore « style ». A l’origine, il désignait une figure de style, de rhétorique qui signifiait un changement de sens. Toutefois, le mot « trope » a depuis dérivé de son sens premier pour prendre celui qu’on lui connait aujourd’hui. Les tropes ont été propulsés sur le devant de la scène notamment grâce à la littérature anglo-saxonne moderne qui a identifié les principaux modèles de narration existants. Aujourd’hui, nombreux sont lecteurs et auteurs à utiliser le mot « trope » pour se retrouver dans les romans. Les premiers y voient des repères rassurants, les seconds y voient une opportunité pour structurer son intrigue sans avoir peur de la dénaturer.
Les tropes sont légion dans l’écriture moderne. Ils peuvent renforcer ou desservir l’histoire selon l’utilisation que l’on en fait. Les archétypes existent depuis la nuit des temps et seul leur cadre varie. C’est comme une randonnée, plusieurs chemins peuvent amener à destination mais rien n’empêche de créer sa propre voie ! La connaissance des tropes principaux, notamment pour les genres que l’on préfère écrire, peut se révéler un excellent atout. En connaissant l’archétype que nous utilisons, nous pouvons le déformer ou le subvertir facilement et ainsi trouver des concepts originaux pour l’histoire que l’on souhaite créer.
Le trope en littérature est donc omniprésent pour toutes ces raisons. Maintenant, quels sont les tropes principaux que l’on peut retrouver en littérature ?
Une petite liste des types de tropes existant
Le trope en littérature se décline en tant de possibilités qu’il est impossible de toutes les citer. Cependant, il est possible d’en donner des exemples. Un lecteur entraîné peut repérer les tropes avec facilité et plus vous lirez, plus ce sera facile ! Sans plus attendre, voici une liste non exhaustive des tropes les plus populaires de la fiction.
Les tropes de personnage
- L’élu : ce trope parle de lui-même. Il s’agit d’un personnage, le plus souvent un protagoniste, prédestiné à résoudre le conflit majeur présent dans l’histoire. Exemple : Harry Potter (Harry Potter).
- L’antihéros : un personnage qui n’a pas les qualités attendues d’un vrai protagoniste. Exemple : Artemis Fowl (Artemis Fowl).
- Le sidekick : plutôt présent au cinéma, désigne un ami du personnage qui lui sert en général de faire-valoir. Exemple : Samwise Gamgee (le Seigneur des Anneaux).
- La Mary-Sue (ou Gary-Stu pour son équivalent masculin) : un personnage sans défauts qui réussit tout ce qu’il entreprend. Il s’agit d’un trope mal vu en général. Exemple : Bella Swan (Twilight)
- Le vieux mentor : un personnage, en général secondaire et âgé, qui sert de guide au protagoniste. Exemple : Gandalf le Gris (Le Seigneur des Anneaux).
- Le méchant riche et excentrique : un antagoniste qui possède beaucoup de ressources et qui est à l’écart de la société. Exemple : Lord Henry Wotton (Le portrait de Dorian Gray)
Les tropes de relation
- Le protecteur et l’innocent : deux personnages, l’un est vulnérable et l’autre âgé. L’histoire suit l’évolution de leur relation. En général le personnage vulnérable possède un rôle clé dans le conflit et la personne plus âgé le protège des menaces. Exemple : Jean Valjean et Cosette (Les Misérables).
- Le friends to lovers : un grand classique de la romance. Deux amis voient leur relation évoluer en romance avec les conflits que cela implique. Exemple : Ron Weasley et Hermione Granger (Harry Potter).
- Les rivaux : deux personnages qui sont en rivalité et qui s’affrontent aux quotidien sur de multiples domaines. Cette relation peut servir à de matériau à l’intrigue de l’histoire ou bien juste de toile de fond. Exemple : Harry Potter et Drago Malefoy (Harry Potter).
- La relation fraternelle : deux personnages qui n’ont pas de lien familial mais qui finissent par se soutenir tout en se disputant au fil des épreuves, comme des frères et soeurs. Exemple : Apollon et Meg McCaffrey (Les Travaux d’Apollon)
- Les anciens amis : deux personnages qui étaient amis mais qui se sont éloignés pour quelconque raison. Cela peut servir de pierre angulaire à l’intrigue ou bien être une petite histoire secondaire parallèle à la véritable intrigue. Exemple : Gandalf le Gris et Sarouman (Le Seigneur des Anneaux).
- La colocation forcée : deux personnages, souvent très différents qui sont obligés de cohabiter. ensemble pour une raison. Utilisé dans les romances, cela peut donner des situations comiques comme dramatiques. Exemple : Lockwood et Heathcliff (Les Hauts de Hurlevent)
Les tropes de situation
- La prophétie : la présence d’une prophétie qui doit être réalisée par le protagoniste et qui résume le conflit de l’histoire. Exemple : La prophétie du Kwisatz Haderach (Dune).
- L’artefact : un objet, le plus souvent magique, qui fait l’objet d’une course entre protagoniste et antagoniste pour sa récupération. Exemple : L’Anneau Unique (le Seigneur des Anneaux).
- Le décompte : un compte à rebours pour accomplir une mission périlleuse. Les enjeux sont importants. Exemple : Le désamorçage de la bombe antimatière (Anges et Démons).
- La fausse identité : un personnage se cache aux autres protagonistes pour servir ses propres buts. Exemple : Edmond Dantès (Le Comte de Monte-Cristo)
- La famille trouvée : un personnage seul au départ trouve des amis hétéroclites qui deviennent aussi proches que de la famille. protagoniste. Exemple : La Communauté de l’Anneau (Le Seigneur des Anneaux).
- L’isekai : un mot japonais qui désigne le transfert d’un personnage dans un monde complètement nouveau. Exemple : La Quête d’Ewilan.
Les tropes d'ambiance et de décor
- L’académie/école : désigne le lieu principal de l’histoire comme étant une école où l’on apprend des compétences spéciales (ou non). Exemple : Poudlard (Harry Potter).
- L’autre monde : une histoire qui se déroule dans un autre monde que le nôtre et qui souvent, voit les protagonistes voyager de l’un à l’autre. Exemple : le Pays des Géants (Le Bon Gros Géant)
- La taverne ou le bar mal famé : présent lorsqu’une scène clé se déroule dans une taverne ou un bar. Exemple : Le Chaudron Baveur (Harry Potter).
- Le laboratoire secret :un lieu de recherche, en général utilisé pour les recherches gouvernementales, souvent abandonné qui contient des informations précieuses ou des menaces dangereuses. Exemple : Le Laboratoire de Victor Frankenstein (Frankenstein)
- La forêt dans le brouillard : une forêt plongée dans un épais brouillard qui renforce le mystère et permet des scènes de combat ou de magie. Exemple : la Forêt des Murmures (la Passe-Miroir).
- La grande villa opulente : une grande maison vaste qui peut servir de théâtre à plusieurs intrigues comme un huis-clos pour un meurtre, une histoire de fantômes ou encore une réception donnée par l’antagoniste. Exemple : le Manoir de Gatsby (Gatsby le magnifique)
Les tropes thématiques
- Le bien contre le mal : une histoire où les deux camps sont définis et simples. Met en scène la lutte du Bien contre le Mal. Exemple : Les Chroniques de Narnia.
- La destinée : une histoire où les actions semblent prédéfinies par une puissance supérieure et qui interroge sur le libre-arbitre. Exemple : Dune.
- La technologie : la présence de la technologie dans l’histoire et des interrogations qu’elle apporte. Exemple : 1984
- La lutte pour la liberté : une histoire qui met en scène un combat pour retrouver la liberté ou se libérer des chaînes de l’oppression. Exemple : Hunger Games
- La quête de la vérité : une histoire où la vérité est dissimulée et où les protagonistes recherchent activement à la rétablir. Exemple : Shutter Island
- Le voyage initiatique : une histoire racontant un voyage pour se retrouver et grandir psychologiquement au travers des épreuves vécues Exemple : Le Petit Prince
Se servir des tropes à bon escient
Un roman peut se résumer à une liste de tropes plus ou moins longue. Il suffit de savoir les repérer et surtout de savoir les utiliser correctement car entre une histoire cliché qui va ennuyer le lecteur dès la première page et un livre captivant et original sans dépayser le lecteur, la ligne est fine !
Comment donc utiliser les tropes ? La première chose à faire est d’identifier quelques uns de ces archétypes pour vous aider à savoir quel genre d’histoire vous souhaitez raconter. Quel thème vous voulez explorer et dans quel sens ? Quel est la pierre angulaire de votre intrigue ? Vous verrez que les tropes se construiront d’eux-mêmes au fur et à mesure de l’avancée de votre roman. Après tout, il s’agit de schémas de narration qui existent depuis la nuit des temps donc il est normal de finir par les retrouver dans votre roman !
Là où le trope devient dangereux, c’est lorsqu’il devient un cliché. En effet, ce n’est pas tant le trope qui va déranger le lecteur mais la façon dont vous vous l’appropriez qui risque de déranger. Si vous considérez le trope comme une solution de facilité, c’est là que cela risque de coincer. Prenons l’exemple du trope de l’élu :
- L’élu accepte sa mission et la réussit sans se poser de questions car il est prédestiné pour faire cela ➡️ cliché : il n’y a pas d’effort de construction autour du trope, on l’utilise car il colle à l’histoire sans l’approfondir.
- L’élu reçoit une mission mais ne veut pas vraiment l’accomplir car il a peur, il doute et au final devient obligé de l’accomplir car un être qu’il aime est menacé ➡️trope : cette fois on ne colle pas l’étiquette « élu » sur le protagoniste, l’auteur vient discuter et approfondir son personnage qui, certes correspond au trope mais n’est pas résumé entièrement par celui-ci. Vous voyez la différence ?
Pour résumer, il ne faut pas entièrement se reposer sur l’existence d’un trope pour écrire son histoire ! Ce sont des outils utiles mais qui ne font pas des miracles ! C’est à vous de bien les utiliser pour proposer une histoire classique sans toutefois basculer dans le cliché à vos lecteurs !
Vous l’aurez compris, les tropes sont devenus un fondement de la littérature moderne. La liste n’en finit pas et il peut exister des centaines de modèles de narration pour écrire une même histoire. Cela peut aller du micro-trope au trope qui régit le récit ! Savoir les repérer, et à fortiori les utiliser pour renforcer la structure de son roman peut être un avantage non négligeable pour votre premier roman car les tropes sont des repères fiables. Le lecteur les reconnaît et s’en sert pour naviguer en travers de l’histoire sans se perdre donc n’ayez pas peur de les utiliser mais gardez en tête que ce ne sont pas des solutions de facilité et qu’il ne faut pas basculer dans les clichés !
